"Tous les hommes sont menteurs, inconstants, faux, bavards, hypocrites, orgueilleux et lâches, méprisables et sensuels ; toutes les femmes sont perfides, artificieuses, vaniteuses, curieuses et dépravées ; le monde n’est qu’un égout sans fond où les phoques les plus informes rampent et se tordent sur des montagnes de fange ; mais il y a au monde une chose sainte et sublime, c’est l’union de deux de ces êtres si imparfaits et si affreux." On ne badine pas avec l'amour - Musset

Publié dans : Romans XX°

le 18/12/09

http://milkymoon.cowblog.fr/images/Livres/peste.jpgLa Peste
Albert Camus
1947

Quatrième de couverture
"- Naturellement, vous savez ce que c'est, Rieux ?
- J'attends le résultat des analyses.
- Moi, je le sais. Et je n'ai pas besoin d'analyses. J'ai fait une partie de ma carrière en Chine, et j'ai vu quelques cas à Paris, il y a une vingtaine d'années. Seulement, on n'a pas osé leur donner un nom, sur le moment... Et puis, comme diqait un confrère : "C'est impossible, tout le onde sait qu'elle a disparu de l'Occident." Oui, tout le monde le savait, sauf les morts. Allons, Rieux, vous savez aussi bien que moi ce que c'est...
- Oui, Castel, dit-il, c'est à peine croyable. Mais il semble bien que ce soit la peste."


Avis
J'ai eu un gros coup de coeur pour ce livre. C'était la première fois que je lisais du Camus, et cette lecture m'a donné envie d'en découvrir d'avantage sur l'auteur. Tout le long du livre, on a cette atmosphère étouffante de peste, qui croît de chapitre en chapitre, jusqu'à arriver à son paroxysme puis rechuter. Toutes les phases de l'épidémie sont décortiquées. Le narrateur (et médecin) nous livre la lutte des personnes contre la maladie, leur  impuissance, leur dernier combat contre la mort. Cette histoire de peste vous captive du début à la fin, c'est admirablement bien mené.

Mon personnage préféré était Joseph Grand. Il paraît très inintéressant à première vue, mais j'ai beaucoup aimé son histoire. Il a pour ambition d'écrire un livre, mais n'arrive même pas à achever sa première phrase. "Par une belle matinée de mai, une svelte amazone montée sur une somptueuse jument alezane parcourait les allées pleines de fleurs du Bois de Boulogne." Tout le long du roman, il la remanie, et ça ne change absolument rien. Ca rappelle étrangement "Belle marquise vos beaux yeux me font mourir d'amour", non ?

En revanche y'a quelque chose qui m'échappe au niveau de l'incipit, apparemment ça ferait allusion au nazisme mais je n'en sais pas plus, si quelqu'un peut m'éclairer...Sur ce je vous souhaite d'excellentes vacances de Noël !

En résumé : Une histoire menée par un style remarquable qui m'a captivée du début à la fin.


Extrait
"-Depuis, j'ai un peu réfléchi.
-A quoi ?
-Au courage. Maintenant je sais que l'homme est capable de grandes actions. Mais s'il n'est pas capable d'un grand sentiment, il ne m'intéresse pas.
-On a l'impression qu'il est capable de tout.
-Mais non, il est incapable de souffrir ou d'être heureux longtemps. Il n'est donc capable de rien qui vaille. Voyons, êtes-vous capable de mourir pour un amour?
-Je ne sais pas, mais il me semble que non, maintenant.
-Voilà. Et vous êtes capable de mourir pour une idée, c'est visible à l'oeil nu. Eh bien, moi, j'en ai assez des gens qui meurent pour une idée. Je ne crois pas à l'héroïsme, je sais que c'est facile et j'ai appris que c'était meurtrier. Ce qui m'intéresse, c'est qu'on vive et qu'on meure de ce qu'on aime."

Publié dans : Romans XIX°

le 26/9/09

http://milkymoon.cowblog.fr/images/Livres/LeRougeetleNoirouvrageprogramme.gifLe Rouge et le Noir
Stendhal
1830

Quatrième de couverture
Après trente ans de travail acharné, Stendhal est digne d'improviser ; il sait peindre d'un premier trait, d'un seul trait. Il a lentement créé cet instrument de prose rapide, qui est lui-même : son style le plus parfait est devenu sa voix naturelle. L'originalité n'est plus qu'un but qu'ils se propose : elle est en lui...
La revanche imaginaire, ce rêve de compensation qui succède à la douleur de l'échec et en marque la convalescence, est un des excitants les plus forts de l'imagination créatrice. C'est sous cet aspect de revanche imaginaire qu'il faut voir la transposition de Stendhal en Julien, sa minceur. Les souvenirs directs gardent leur accent secret et déchirant parce qu'ils sont placés parmi les enthousiasmes de la revanche imaginaire." Jean Prévost

Avis
Alors tout d'abord, c'est quoi cette quatrième de couverture ? L'histoire n'est même pas annoncée, et je vois pas où est l'intérêt de nous parler de la "revanche imaginaire". Non mais franchement. Bref, voici l'histoire :
Julien, jeune provincial, entre en tant que précepteur chez les Rênal. Sa rigueur et son orgueil rendront l'amour qu'il partage avec Madame de Rênal impossible. Il entre en séminaire pendant plusieurs années puis devient secrétaire du Marquis de la Mole à Paris. C'est là qu'il rencontre Mathilde, son "double" féminin. Partagé entre ses sentiments pour Madame de Rênal et ceux pour Mathilde, malgré son ambition, il est poussé à faire un acte, un acte qui pourrait bien lui coûter la vie.

Je crois que je ne me suis jamais autant identifiée à un personnage de roman qu'à Julien. C'était comme si Stendhal anticipait mes réactions, savait de quelle manière je réagirais. J'aime bien ce personnage, il est super ambigü : modeste, orgueilleux, intelligent, pudique par rapport à ses sentiments. Il est fort et faible à la fois, c'est ce qui fait tout le mystère de Julien, et tout son intérêt.
Les moments de confrontation entre Julien et Mathilde étaient juste géniaux. Je voulais à tout prix savoir ce qui se passerait quand ces deux esprits si similaires s'affronteraient. Je trouve que Mathilde et Julien n'étaient pas "compatibles" car ils pensaient de la même façon. C'était captivant mais effrayant vous voyez. Pour moi ce n'était pas de l'amour comme avec Madame de Rênal, c'était plutôt une sorte de fascination l'un envers l'autre.
Et puis j'ai un faible pour les prisonniers dans les livres, donc encore une fois la fin m'a ravie. J'avais pour objectif de lire ce roman avant mon bac de français, voilà chose faite. Comme il est catalogué dans les classiques, j'avais un peu peur d'être déçue par un livre de 600 pages, mais au final y'a eu beaucoup de choses très intéressantes. Cela dit, un voile plane encore pour moi au niveau du titre, j'ai lu quelques trucs dessus mais ça ne m'a pas vraiment éclairée.

En résumé : Trèèèèès longue lecture, et vous savez que ça me motive moyennement. Au final j'ai surtout aimé les passages entre Mathilde et Julien.

 

Extraits
* "L'importance ! Monsieur, n'est-ce rien ? Le respect des sots, l'ébahissement des enfants, l'envie des riches, le mépris du sage." ( de Barnave, en épigraphe)

* "Julien la regarda froidement avec des yeux où se peignait le plus souverain mépris."

* "vide de sens, niais, faible, en un mot féminin."

* "L'amour fait les égalités et ne les cherche pas"
(de Corneille, en épigraphe)

* "Leur bonheur avait quelque fois la physionomie du crime."

* "La parole a été donnée à l'homme pour cacher sa pensée."
(de Malagrida, en épigraphe)

* "Illustre et vaste corporation à laquelle j'ai l'honneur d'appartenir, je ne suis qu'un sot."

* "Je sens que je vous aime de l'amour le plus violent."

* "Tout bon raisonnement offense."

* "Voici toute ma politique : j'aime la musique ; la peinture ; un bon livre est un évènement pour moi."

* "Toute vraie passion ne songe qu'à elle."

* "Il ne faut jamais dire le hasard, mon enfant, dites la Providence."

* "Un coeur un peu sensible voit l'artifice."

* "Il avait un désavantage énorme aux yeux de la beauté, il était fort laid."

* "Il méprise les autres et c'est pour cela que je ne le méprise pas."

* "Elle avait infiniment d'esprit, et cet esprit triomphait dans l'art de torturer les amours propres et de leur infliger des blessures cruelles."

* "Oui, couvrir de ridicule cet être si odieux, que j'appelle moi, m'amusera."

* "Elle lui proposa sérieusement de se tuer avec lui."

* "Grand Dieu ! Pourquoi suis-je moi?"

Publié dans : Romans XX°

le 17/9/09

  http://milkymoon.cowblog.fr/images/Livres/etrangercamus1261103393.jpg L'étranger
Albert Camus
1942

 
Quatrième de couverture
Quand la sonnerie a encore retenti, que la porte du box s'est ouverte, c'est le silence de la salle qui est monté en moi, le silence, et cette singulière sensation que j'ai eue lorsque j'ai constaté que le jeune journaliste avait détourné les yeux. Je n'ai pas regardé du côté de Marie. Je n'en ai pas eu le temps parce que le président m'a dit dans une forme bizarre que j'aurais la tête tranchée sur une place publique au nom du peuple français...

Avis
“Dans notre société tout homme qui ne pleure pas à l'enterrement de sa mère risque d'être condamné à mort.” disait Camus à propos de L'étranger. Cette phrase à elle seule pourrait résumer le livre. On voit bien l'absurdité de la chose, et c'est ce que tout le livre nous montrera.

Inspiration
Je crois que le mieux pour parler de ce livre est de commencer par sa source d'inspiration. On m'a raconté que Camus avait écrit L'étranger à partir d'un poème de Baudelaire du même nom, le voici :

"- Qui aimes-tu le mieux, homme énigmatique, dis ? Ton père, ta mère, ta soeur ou ton frère ?
- Je n'ai ni père, ni mère, ni soeur, ni frère.
- Tes amis ?
- Vous vous servez là d'une parole dont le sens m'est resté jusqu'à ce jour inconnu.
- Ta patrie ?
- J'ignore sous quelle latitude elle est située.
- La beauté ?
- Je l'aimerais volontiers, déesse et immortelle.
- L'or ?
- Je le hais comme vous haïssez Dieu.
- Eh! Qu'aimes-tu donc, extraordinaire étranger ?
- J'aime les nuages... les nuages qui passent... là-bas... là-bas... les merveilleux nuages !"

♠ Le récit en deux parties
L'histoire se divise en deux parties. La première est marquée par la mort de la mère de Meursault, qui ne semble pas particulièrement affecté. Tout le long de la première partie, c'est un détachement du personnage, un détachement dans ses émotions. Le terme d' "étranger" est tellement justifié : étranger à la société, étranger à sa propre famille, étranger à ses émotions ; en somme étranger à lui-même. En ce sens, on peut sans problème le qualifier d'anti-héros. La lecture de cette partie n'accroche pas vraiment, il ne se passe presque rien (et c'est voulu), jusqu'à ce qu'on arrive à un moment de rupture.

Meursault tue un homme et se fait emprisonner. Durant toute la deuxième partie on le suivra dans sa cellule de prison et jusqu'au dénouement de son procès. Paradoxalement, j'ai trouvé que lorsqu'il était enfermé, il libérait totalement ses pensées, contrairement à la première partie où il est encore libre. Les deux parties du livre se contrastent et s'opposent. J'ai préféré la deuxième partie justement pour le fait qu'on ait plus accès aux sentiments de Meursault, qui m'a semblé plus humain à ce moment là, et moins étranger. En plus vous connaissez mon faible pour les récits de prisonniers..

♠ Le procès
Le procès de Meursault ne sera qu'une grosse blague, et je dis ça parce que sa condamnation ne repose que sur l'argument qu'il n'a pas pleuré à l'enterrement de sa mère ; donc par raisonnement très logique, cet homme est un monstre insensible qui tue les gens sans le moindre remord. Nous lecteur, on connait les circonstances de son acte, et on ne peut pas voir ce procès autrement que comme une énorme injustice, et ç'en est risible vu les preuves pathétiques de sa culpabilité (le fait qu'il n'ait pas pleuré à l'enterrement de sa mère des mois auparavant).
 
En résumé : Le récit d'un homme étranger à la société et à lui-même, victime de l'absurdité de son époque. Beaucoup aimé, surtout la fin. Du grand art je l'admets.


Extraits
* "J'ai compris alors qu'un homme qui n'aurait vécu qu'un seul jour pourrait sans peine vivre cent ans dans une prison. Il aurait assez de souvenirs pour ne pas s'ennuyer."

* "Voilà l'image de ce procès. Tout est vrai et rien n'est vrai !"

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